Nova et Vetera, n. 98, 3 / 2023

 

Prier sans cesse avec saint Thomas d’Aquin

Emmanuel Perrier, OP

Le Christ a enjoint à ses disciples de "toujours prier sans jamais se lasser" (Lc 18, 1), et leur a laissé le modèle de cette prière continuelle dans le Notre Père. On a pris l’habitude de trahir doublement cette prescription du Seigneur : en l’appelant une "prière de demande", et en y recourant de manière ponctuelle ou résiduelle. Contre cette dérive, saint Thomas d’Aquin montre pourquoi cette forme de prière est si essentielle à la vie chrétienne et comment en faire un véritable chemin de familiarité avec Dieu. Plus encore, au sein de nos sociétés techniciennes, prier Dieu sans cesse est nécessaire pour se savoir humain.

 

La canonisation de saint Thomas d’Aquin (juillet 1323). Contexte et enjeux

Serge-Thomas Bonino, OP

Il y a sept cents ans, en juillet 1223, le pape Jean XXII canonisait en Avignon saint Thomas d’Aquin. Cet article expose le contexte, les enjeux et les conséquences de cet acte. Dans un premier temps, il présente les démarches institutionnelles qui ont abouti à la canonisation, ainsi que certains travaux destinés à laver le futur saint des soupçons qui pesaient sur sa doctrine depuis les condamnations de la fin du XIIIe siècle. Après une brève description de la canonisation elle-même, l’article signale quels en étaient les enjeux dans le contexte de l’époque, marqué notamment par le conflit sur la pauvreté évangélique, avant d’en présenter quelques conséquences : la doctrine de saint Thomas est non seulement totalement réhabilitée mais elle jouit désormais d’un statut privilégié dans l’Église universelle.

 

Autour de Studiorum ducem (1923) : naissance et développement d’un intérêt pour le saint Thomas de l’histoire

Augustin Laffay, OP

L’encyclique Studiorum ducem de Pie XI, publiée en 1923 à l’occasion du sixième centenaire de la canonisation de saint Thomas d’Aquin, coïncida avec une découverte de la figure historique de Thomas. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’historiographie s’en était tenue à des récits édifiants concernant le Docteur commun, souvent puisés dans l’œuvre de Guillaume Tocco et diffusés à travers une abondante iconographie. L’homme passait derrière le "système" thomiste. Les précurseurs d’une redécouverte de la figure du saint trouvèrent un encouragement dans le mot d’ordre de Pie XI : "Ite ad Thomam." Les études historiques sur la scolastique médiévale, la compréhension du rôle de Thomas dans son siècle, l’étude de ce qui le constitue comme saint contribuèrent au renouvellement de la production thomiste au XXe siècle.

 

Rêve et responsabilité morale chez Thomas d’Aquin et Freud

Jean-Thomas de Beauregard, OP

Le rêve est une expérience-limite en matière morale : parce que les sens et la raison y semblent suspendus, le rêve ne relève pas de l’acte moral, et pourtant il n’y est certainement pas étranger. La confrontation entre l’enseignement de Thomas d’Aquin et celui de Freud quant au rêve permet de mieux discerner ce qu’il en est de la moralité du rêve, tout en révélant au mieux ce que l’une et l’autre doctrine ont de spécifique et comment elles s’éclairent mutuellement, avec en commun une attention à la dimension historique et personnelle de l’agir moral.

 

La personne reconnue et les processus d’adieu en fin de vie. Mesures médicales sous réflexion de la théologie morale

Stefan Buchs

Les décisions et mesures médicales font partie de la fin de vie de la plupart des personnes dans nos régions. Elles donnent lieu à de nombreuses discussions éthiques. Les processus d’adieu, en revanche, passent souvent inaperçus, bien qu’ils fassent partie intégrante d’une vie et d’une mort réussies. Les rendre possibles est au cœur de l’éthos des médecins, parce qu’il s’agit dans tous les cas d’une personne humaine qui est unique et qui vit dans des relations réciproques. L’identité de chaque personne est ontologiquement liée à la corporéité et attestée dans le récit de vie réciproque. Le processus d’adieu ouvre le récit sur une espérance transcendante d’une rencontre dans la vie éternelle. Par conséquent, dans certaines situations, c’est éthiquement plus adéquat de renoncer, au moins temporairement, à des actes médicaux apparemment indiqués ou de les retarder afin de permettre un processus d’adieu et donc une reconnaissance réciproque de la personne. Une telle action médicale qui place la restitution de la capacité relationnelle au centre, valorise également la culture funéraire. Cela donne des répercussions sur l’ensemble du processus d’adieu avec un impact sur la société.

 


 

NOTES ET LECTURES

Bibliographie

Karl BARTH, Spiritual Writings – MOINES DE TIBHIRINE, Heureux ceux qui accueillent, Vivre l’hospitalité – Frédéric ROGNON, Pour comprendre la pensée de Jacques Ellul – Hélène MICHON, Se convertir à Dieu avec Blaise Pascal – Raphaëlle ZIADÉ, L’Art des chrétiens d’Orient – GUILLAUME DE SAINT-THIERRY, ARNAUD DE BONNEVAL, GEOFFROY D’AUXERRE, Vie de Saint Bernard de Clairvaux (Vita Prima), Livres I-IV – Christian GRATALOUP, Atlas historique de la terre.

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