Nova et Vetera, n. 98, 2 / 2023

 

Réconciliation entre naturalisme et personnalisme dans l’acte conjugal. Une contribution de Servais Pinckaers

Michele M. Schumacher

La dialectique typiquement moderne de la personne et de la nature qui caractérise les arguments contre le « lien inséparable » – affirmé par le pape Paul VI dans Humanae Vitae – « entre la signification unitive et la signification procréative » (n. 12) de l’acte conjugal, offre un exemple particulièrement pertinent de l’anthropologie intégrale du père Servais Pinckaers. Après une introduction à cette problématique, la première partie traite de ce que saint Thomas appelle la « duplex natura » de la personne humaine : une nature à la fois physique et spirituelle. Parce que la morale thomasienne (suivie par Pinckaers) se présente comme fondée dans l’inclination naturelle de la volonté vers le bien et de la raison vers le vrai, même les inclinations les plus élémentaires (celles que l’homme partage avec les animaux) sont toujours vécues d’une manière personnelle à raison de leur participation à la liberté humaine. À la base de cette unité entre les différentes inclinations naturelles de l’homme se situe l’inclination primordiale au bien – traitée dans la deuxième partie – c’est-à-dire l’inclination à la perfection ou au plein épanouissement de la personne humaine. En effet, le terme d’une inclination naturelle n’est pas tant la chose ou l’objet qui attire, que l’être ou le sujet qui s’en trouve perfectionné. Tel est le fondement de l’argument employé par Pinckaers – traité dans la troisième partie – pour préserver l’unité entre la causalité humaine et la causalité divine. Les inclinations naturelles sont l’œuvre du Créateur dans la créature, l’amenant à son accomplissement. En dernière analyse, un acte est moral non pas parce qu’il est naturel, mais parce qu’il répond aux exigences intrinsèques de la perfection personnelle, qui ne peut se réaliser qu’en conformité à la nature humaine. En conclusion, le point culminant du mystère du naturalisme et du personnalisme se trouve dans la « synergie » entre la causalité humaine et la causalité divine dans l’œuvre particulière de la procréation.

 

Edith Stein : une certaine idée de la femme (I). La méthode de phénoménologie chrétienne
Edith Stein : une certaine idée de la femme (II). La destination de la femme et sa vocation

François-Xavier Putallaz

Canonisée et proclamée copatronne de l’Europe, Edith Stein fut une philosophe brillante, interdite d’enseignement universitaire parce qu’elle était femme. Entre 1928 et 1932, elle tient en Allemagne de nombreuses conférences visant à cerner ce qu’est « la femme ». Très riches, novatrices et équilibrées, ces conférences dégagent deux traits spécifiques de la nature féminine : son attention aux personnes et son souci de leur développement complet.
Cette étude vise un triple but : expliquer les fondements philosophiques et chrétiens de chaque conférence ; présenter de manière synthétique cette idée de la femme disséminée dans les conférences ; ouvrir une perspective critique pour des chemins novateurs concernant la nature féminine.
Une première partie (I) présente la méthode de phénoménologie chrétienne permettant de cerner la spécificité de la femme, sans la confondre avec les types féminins (maternel, érotique ou romantique), ni avec les déviances ou dégénérescences liées au péché originel. Edith Stein ne confond pas ce qui est culturel ou éducatif, et ce qui vient de la nature, à savoir sa destination à devenir compagne et mère.
Une deuxième partie (II) tire les conséquences de la spécificité féminine en montrant que toutes les professions sont ouvertes aux femmes, mais que certaines sont plus adaptées à sa spécificité, comme l’éducation, la médecine ou les professions sociales. En aucun cas la mission d’être compagne et mère ne se réduit à la sphère familiale. Comme la destination naturelle et surnaturelle de la femme se réalise pleinement dans la Vierge Marie, on devine que c’est en même temps la vocation personnelle d’Edith Stein qui se dessine.
Une mise en parallèle des critiques de Jacques Maritain et d’Edith Stein à l’endroit de la conception ancienne de la femme, permet d’ouvrir des perspectives nouvelles sur la différence et la complémentarité des deux genres.

 

Actualité de Jacques Maritain

Michel Ferrandi

L’auteur présente l’ouvrage Actualité de Jacques Maritain paru en 2022 aux éditions Téqui sous la direction de Hubert Borde et Bernard Hubert. Ce livre réunit les contributions de plusieurs auteurs, lesquelles permettent de prendre la mesure de l’œuvre de Jacques Maritain. Tout en restant fidèle à son maître saint Thomas, Maritain a approfondi et renouvelé quantité de questions concernant la métaphysique, le rapport entre la philosophie et la théologie, la morale, la politique, l’art, la mystique. Il a su nouer des relations profondes, fécondes et exigeantes avec ses contemporains. Maritain fait honneur à la pensée catholique. Sa vie et son œuvre témoignent de la fécondité de celle-ci pour la culture.

 


 

NOTES ET LECTURES

De quelques livres d’Adrien Candiard

Michel Cagin, OSB

La parole heureuse d’Adrien Candiard se donne à entendre, depuis bientôt une dizaine d’années, en de brefs essais qui traitent, les uns de l’islam et du dialogue entre croyants de diverses religions, les autres de spiritualité et de vie chrétiennes. Les uns et les autres répondent au constat d’une urgence. Urgence, dans tous les cas, de regarder en face la réalité du monde où nous vivons et de chercher de vraies clefs de compréhension. L’article présente les deux derniers titres parus (Du Fanatisme. Quand la religion est malade – auquel il adjoint Pierre et Mohamed – et Quelques mots avant l’apocalypse. Lire l’Évangile en temps de crise) en résonance avec l’ensemble des publications de l’auteur et des thèmes majeurs qui lui tiennent à cœur.

 

Bibliographie

Saint Thomas d’Aquin, L’interprète du désir, Dix sermons sur le Notre Père et le Je vous salue Marie – Erwan Chauty, Jérémie – Henry-Louis Gates, JR., Black Church, De l’esclavage à Black Lives Matter.

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