Nova et Vetera, vol. 95, 4 / 2020

Nova et Vetera, n. 95, 4 / 2020

 

Du dualisme à l’unité de la personne


François-Xavier Putallaz

La situation culturelle semble traversée aujourd’hui par trois tentations extrêmes : 1° l’écologie radicale, qui méprise l’humain en y voyant un prédateur ; 2° le transhumanisme qui, rêvant de dépasser les limites de l’espèce, méprise la faiblesse humaine ; 3° le fondamentalisme religieux qui, tourné vers un ciel vide, méprise les hommes. Loin d’être des accidents, ces trois tendances ont en commun de se présenter comme des accélérations d’une modernité qui, depuis 400 ans, a consacré le dualisme entre l’esprit et le corps, avec pour conséquence que notre corps est devenu muet (d’où la mode du tatouage pour y inscrire une histoire choisie).
Cet article indique quelques repères de ce mouvement, invite au contraire à valoriser comme il convient le corps humain partie intégrante de la personne, et propose quelques voies praticables.

 

Faut-il sortir du permis défendu ?

Dominique Vermersch

Injonction largement ressassée lors de la réception d’Amoris Laetitia, « Il faut sortir du permis défendu » renvoie au caractère d’obligation de la loi morale. Emblèmes supposés de la chape morale rigoriste, les catégories permis et défendu seraient-elles donc définitivement inaptes à conduire la personne vers le bien ? Par un détour aux Saintes Ecritures, par l’analyse de l’intrication entre objet et intention, l’article esquisse le coût d’une telle sortie, comprise ici comme un essai improbant du proportionnalisme conséquentialiste à s’affranchir d’un intrinsécisme moral fondateur ; et ce, au prix d’un travestissement de la théorie de la cause à double effet. Laissé ainsi au milieu du gué, le dénommé gué de la complexité des situations, quel autre chemin que celui de l’obéissance à la loi, loi expression première de la miséricorde divine - ta loi me tient aux entrailles -, pourrait donc emprunter l’homme en réponse au don de Dieu et à son alliance ?

 

Dicturus sum canticum : Augustin, le temps et la poésie

Dominique Casajus

La méditation sur le temps que saint Augustin développe dans le livre XI de ses Confessions retient encore aujourd’hui encore l’attention des philosophes et des psychologues. Le présent article entend parcourir ce livre XI en mettant en exergue le rôle qu’Augustin y fait jouer à sa sensibilité au fait langagier et en particulier au fait poétique. Il ne cesse, en effet, d’illustrer son propos par des exemples pris à la poésie ou au chant (deux notions à peu près synonymes pour lui). On se propose d’entrer ici dans le détail de ces exemples et de les rapporter à d’autres exemples semblables qui parsèment l’œuvre d’Augustin. C’est donc que, si l’on n’oublie pas qu’il est l’un des pères de l’Église, on s’intéressera d’abord au grand écrivain qu’il a été.

 

Figures et économie biblique de l’acte de foi : vers l’unification entre l’abandon total et l’adhésion objective

Emmanuel Durand OP

L’attention à des figures bibliques de croyants et à leurs opposés typiques permet de retracer une économie biblique de la foi. Se dégagent alors deux composantes essentielles de l’acte de foi : la remise totale de soi à Dieu dans des situations humainement fermées et l’adhésion objective à la vérité salvifique que Dieu révèle. Ces deux dimensions ne sont pas d’emblée unifiées. La trajectoire biblique tend toutefois vers une intégration des deux composantes chez les disciples de Jésus et, plus nettement encore, dans la foi de Marie, mère de Jésus.

 

Amitié et béatitude chez Thomas d’Aquin. Sur l’axiome “Ce que nous pouvons par nos amis, nous le pouvons de quelque façon par nous-mêmes.”

Michael Konrad

L’article analyse l’utilisation faite par Thomas d’Aquin de l’axiome aristotélicien : « Ce que nous pouvons par nos amis, nous le pouvons de quelque façon par nous-mêmes. » Prononcé par Aristote dans le contexte de la théorie de l’action, Thomas utilise cet axiome pour décrire trois dimensions différentes de l’amitié : l’ami agit en ma faveur, il agit avec moi et il agit en moi. La première dimension concerne l’intention de l’ami qui doit être caractérisée par la gratuité ; la deuxième dimension indique l’utilité de l’amitié qui renforce les capacités de l’être aimé ; enfin, la troisième dimension concerne la conscience de soi de l’ami qui s’identifie en quelque sorte avec l’aimé, faisant siennes les pensées et les désirs, les joies et le souffrances de l’aimé.

 

Le père Marie-Joseph Lagrange : les secrets d’une vie chrétienne

Augustin Laffay OP

Avant d’être un savant exégète et le fondateur de l’École biblique de Jérusalem, le père Marie-Joseph Lagrange (1855-1938) est un chrétien et un religieux soucieux d’une vie de prière qui le mène au bout des exigences de son baptême et de sa consécration religieuse.
Une forte dévotion mariale, la vénération de grandes figures de sainteté accompagneront les combats du dominicain pour une intelligence chrétienne renouvelée des Écritures. Une prière assidue soutiendra sa marche vers la Jérusalem céleste et lui permettra de porter un regard surnaturel sur sa vocation.

 


 

Notes et Lectures

Bibliographie

Albert-Martie Crignon, « Qui es-tu mon fils ? » La vie prophétique de Jacob et de Rachel, Gn 25-35 – Éric Palazzo, Le souffle de Dieu. L’énergie de la liturgie et l’art du Moyen Âge – Josy Marty-Dufaut, Hildegarde de Bingen – Christophe Grellard, Philippe Hoffmann, Laurent Lavaud (Éds.), Genèses antiques et médiévales de la foi – Benoît Rossignol, Marc Aurèle – Catherine Saliou, Le Proche-Orient : de Pompée à Muhammad, 1er s. av. J.-C.–VIIe s. ap. J.-C. – Olivier Hanne, L’Alcoran, Comment l’Europe a découvert le Coran – Alain Demurger, Le peuple templier, 1307-1312 – Jean-Pierre Devroey, La Nature et le Roi. Environnement, pouvoir et société à l’âge de Charlemagne (740-820).