Nova et Vetera, vol. 94, 1 / 2019

Nova et Vetera, n. 94, 1 / 2019

 

L’Incarnation comme « conversation » de charité, selon saint Thomas d’Aquin

Emmanuel Durand, OP

Le motif de la conversation s’avère d’une étonnante richesse sémantique et théologique dans la théologie de saint Thomas d’Aquin. Cette étude propose une mise en réseau de la question De modo conversationis Christi (ST III, q. 40), spécialement avec d’autres textes de l’Aquinate au sujet de l’Incarnation ou de la charité. Deux acquis proprement doctrinaux se dégagent de la recherche ici entreprise. Primo, la conversation du Christ avec ses contemporains, jusque dans la commensalité avec les pécheurs, correspond à la pleine manifestation du mystère de l’Incarnation, en termes de « réalité expresse ». Secundo, le registre de la conversatio qualifie à la fois l’amitié entre Dieu et l’homme, rendue possible par la charité, et le type d’interactions que le Christ entretenait avec ses contemporains dans l’accomplissement de sa mission. Une telle affinité de langage traduit une réalité plus profonde : le Christ homme a singulièrement rapproché Dieu de l’humanité, afin que, par sa médiation, s’actualise entre eux l’alliance, sous les modes étonnants de la conversation, de la proximité et de l’intimité.

 

L’approche théologique de Charles Journet sur la grâce : une pensée au cœur des enjeux contemporains

Laurent Prudhomme

Le P. Laurent Prudhomme, docteur en théologie dogmatique de l’Université Pontificale Grégorienne, présente et met en perspective la pensée de Charles Journet sur la grâce. Selon lui, l’approche de Journet est particulièrement actuelle pour éclairer au moins cinq grands défis auxquels la pensée catholique semble aujourd’hui confrontée : 1) le legs du rationalisme philosophique ; 2) la tentation larvée de l’agnosticisme ; 3) la renaissance de tendances panthéistes et gnostiques ; 4) le risque de confusion conceptuelle en théologie ; 5) la persistance et même la croissance de l’athéisme et de l’indifférentisme religieux modernes. Journet, en proposant une vision à la fois unifiée et hiérarchisée des rapports de Dieu et de l’homme, ouvre, selon Laurent Prudhomme, une voie non seulement praticable, mais aussi pleine de promesses pour la théologie contemporaine.

 

Une lecture trinitaire de l’Écriture : l’exemple de Luc 15

Martin Sabathé, CSJ

En dépit de la distance qui s’est creusée entre exégèse et théologie, une lecture théologique de l’Écriture reste possible aujourd’hui. Une interprétation trinitaire du chapitre 15 de l’évangile selon saint Luc peut être proposée. Les trois parties du récit lucanien correspondent alors aux deux missions du Fils et du Saint-Esprit, puis à leur aboutissement dans le « retour vers le Père ».

 

La présence de saint Ambroise dans les écrits de Thomas d’Aquin

Leo J. Elders, SVD

Pour compléter le livre sur Les Prédécesseurs de Saint Thomas le père Elders publie des petites études sur ces auteurs et Pères de l’Église qui n’y avaient pas été traités. Dans cet article sur saint Ambroise, on trouvera un aperçu sur la vie du grand évêque de Milan et maître de la doctrine morale chrétienne. Dans la Catena de Thomas il y a plus de 500 références au texte d’Ambroise sur l’évangile de Luc. Ambroise traite surtout du sens littéral de l’œuvre et l’application à la vie morale des chrétiens. Le De officiis est une des œuvres les plus importantes d’Ambroise, dans laquelle il a pris le livre de Cicéron comme modèle. On y trouve la définition classique de la gloire (“clara cum laude notitia”) et la description de ce qui est propre à la tempérance : « Quand on se vainc soi-même, on ne fait aucune concession aux séductions et on de dévie pas de son chemin. » Thomas a également relevé la description d’Ambroise des autres vertus morales. Sont à signaler l’affirmation vigoureuse de la présence réelle du Christ dans l’Eucharistie, citée dans la Summa theologica III, q. 75, et le traité De virginibus : Ambroise considérait la promotion de la virginité une tâche importante de son épiscopat.

 

Petite critique de la raison compatissante

Fabrice Hadjadj

Lorsqu’un mot, si grand soit-il, et même spécialement s’il est grand, devient une espèce de formule magique, de slogan commode, utilisable pour couper court à toute discussion, il devient urgent de le penser à nouveau et d’en opérer la critique (au sens du discernement). Il en va ainsi du mot « compassion ». N’a-t-il pas souvent servi à couvrir des forfaits ? Et qu’en dire à partir de ces deux extrêmes, rappelés par saint Thomas d’Aquin, d’une compassion sans souffrance (celle de Dieu) et d’une souffrance qui ne mérite pas de compassion (celle des damnés) ?

 


 

Notes et Lectures

Bibliographie

Augustin-Marie Aubry, Obéir ou assentir ? De la « soumission religieuse » au magistère simplement authentique BORDEAUX, Saint-André, Primatiale d’Aquitaine ‑ Frédéric Delforge, Jacqueline Pascal (1625 – 1661), Biographie ‑ Nicola Gardini, Vive le latin, Histoires et beauté d’une langue inutile.