Nova et Vetera, n. 91, 4 / 2016


Éditorial : Migrations et religions

+ Charles Morerod OP

Face à l’important flux migratoire qui intéresse le continent européen depuis des années et dont les prévisions laissent entrevoir qu’il n’est pas destiné à diminuer à l’avenir, que faire ? Que faire face à des êtres humains en détresse ? Comment accueillir chez soi des peuples dont la culture, les mœurs et les croyances sont si différentes des nôtres ? Peut-on se contenter d’appliquer des lois ou d’ériger des barrières ? Pour répondre à ces questions cruciales et difficiles, l’éditorial rappelle l’exigence de remettre la question morale au centre de la réflexion, à commencer par la prise en compte de la dignité humaine et des droits de l’homme.

« En Lui habite toute la plénitude de la divinité corporellement » (Col 2,9). Une exégèse augustinienne de Thomas d’Aquin sur la présence de Dieu

Gilles Emery OP

Saint Paul écrit aux Colossiens que, dans le Christ Jésus, “habite toute la plénitude de la divinité corporellement” (Col 2,9). Après quelques notes d’exégèse contemporaine et un exposé de l’interprétation de ce passage par saint Augustin (Lettre à Dardanus), cette étude présente l’exégèse de Col 2,9 par saint Thomas d’Aquin. Prolongeant saint Augustin, saint Thomas explique Col 2,9 au moyen de sa doctrine des modes de la présence de Dieu. Dans le Christ se “concentrent”, à leur plus haut degré, toutes les manières dont Dieu se rend présent dans notre monde (union hypostatique, présence de grâce, omniprésence), de telle sorte que Jésus est le centre et le foyer de toute présence divine.

Après Amoris Laetitia

Denis Biju Duval

La récente Exhortation Amoris Laetitia donne actuellement lieu à bien des débats d’interprétation. Certains se demandent si ne sont pas en train de ré-émerger les tensions entre doctrine et pastorale que le Concile avait su dépasser. Pour mieux comprendre le document, il convient déjà de le lire à la lumière des attitudes pastorales du Christ : la miséricorde la plus extrême et la radicalité de l’appel à la sainteté ne s’y opposent jamais. Il faut aussi retrouver la grande tradition du discernement pratique chrétien, ici du discernement pastoral. Le donné de la foi doctrinalement exprimé ne permet pas à lui tout seul de résoudre tous les cas par déduction, et le discernement consiste précisément à découvrir comment à sa lumière, le Seigneur parle aussi depuis l’intérieur des situations particulières. Mais comme il ne le fait jamais en contredisant sa propre Révélation, elle demeure un principe permanent de vérification de la rectitude de ce discernement. Ces repères de lecture permettent de mieux voir en quoi Amoris Laetitia innove, en quoi aussi ce document ouvre des chantiers théologiques et pastoraux qui appellent une réflexion ultérieure.

Charles de Foucauld et les Touaregs : l’amitié, malgré tout

Dominique Casajus

Les Touaregs venaient à peine de faire leur soumission à l’armée française lorsque Charles de Foucauld s’est installé chez eux. Conscient que ce n’était pas là des conditions très favorables pour aborder une terre de mission, il se demandait dans sa correspondance si ses hôtes sauraient faire la distinction entre lui et les soldats qui l’entouraient, et voir en lui un ministre de paix et de charité. À cette question qu’il laissait en suspens, il est possible aujourd’hui de proposer quelques éléments de réponse. C’est ce que tente de faire le présent article, où l’on aborde aussi la question inverse : Et lui, Foucauld, comment a-t-il vu ces Touaregs que ses amis militaires venaient d’assujettir ?

La compréhension thomiste de la démocratie selon Yves Simon (1903-1961)

Hubert Borde

L’article tente de mettre en relief, à la lumière de la première et toute récente traduction française de la Philosophie du gouvernement démocratique d’Yves Simon (parue en américain en 1951), la compréhension originale thomiste que l’auteur se fait de la démocratie moderne. C’est un fait que l’on peut échapper à une vision purement procédurale de la démocratie. C’est ce à quoi s’emploie Yves Simon en montrant que le principe démocratique repose sur des fondements rationnels, dignes de l’homme. L’auteur revisite la liberté et l’égalité démocratiques en les articulant à des notions fondamentales comme la nature humaine, le bien commun, l’autorité ou l’usage humain. Se dessine alors une vision substantielle de la démocratie qui préserve les finalités les plus profondes de l’homme.

 


 

Notes et Lectures

Comprendre l’islam ou pourquoi on n’y comprend rien

+ Charles Morerod OP

Dans son livre Comprendre l’islam, Ou plutôt : pourquoi on n’y comprend rien, le frère Adrien Candiard, qui est chercheur à l’Institut Dominicain d’Études Orientales au Caire, affronte la question épineuse de comprendre ce qu’est l’islam, face au foisonnement d’interprétations qui occupent le débat public et les discussions entre les experts. Par sa réflexion claire, simple et bien documentée, ce petit livre offre de précieux instruments de compréhension qui aident à faire la part des choses dans un phénomène religieux en réalité très complexe.

Bibliographie

Pierre-Marie Hombert, La Création chez les Pères de l’Église ‑ Emmanuel Durand, Dieu Trinité ‑ Étienne Dumoulin, La théologie du baptême d’après saint Thomas d’Aquin ‑ Grégoire de Tours, La vie des Pères ‑ J.J.M. Roberts, First Isaiah. A commentary ‑ Frédéric Kurzawa, Saint Colomban et les racines chrétiennes de l’Europe ‑ Jean-Michel Picard (éd.), Autour du Scriptorium de Luxeuil.

 

 

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