Nova et Vetera, n. 91, 2 / 2016

 

In memoriam Card. Cottier

Mgr Charles Morerod OP

Le 31 mars 2016, le cardinal Georges Marie Martin Cottier OP, directeur de notre Revue depuis la mort du cardinal Journet en 1975, est décédé de manière inattendue d’une embolie pulmonaire. Tout le Comité de rédaction ainsi que les lecteurs de notre Revue sont dans un deuil profond illuminé par l’espérance.

 

La métaphysique de la participation, instrument pour une hérmeneutique sapientielle de Vatican II

Alain Contat

C’est une évidence historique aussi bien que textuelle : le concile Vatican II a introduit de grands changements dans l’enseignement que l’Église dispense sur elle-même, sur son rapport aux autres religions chrétiennes et non chrétiennes, sur ses exigences vis-à-vis de l’État. En même temps, les papes post-conciliaires, et notamment Benoît XVI, ont insisté sur l’importance d’une « herméneutique de la réforme dans la continuité ». Dans cette étude, l’auteur examine ce que la métaphysique thomasienne de la participation peut apporter à cette nécessaire entreprise. En s’appuyant sur la lettre et l’esprit de saint Thomas d’Aquin, ainsi que sur les travaux de Cornelio Fabro et de Charles Journet, il essaye de montrer que les nouveautés doctrinales du dernier concile se laissent ordonner à l’intérieur d’une doctrine de la participation différenciée des hommes à la plénitude de vie divine qui est dans le Christ.

 

Le relativisme et le désarroi de la raison. Quand les grands ressorts civilisateurs ne fonctionnent plus.

Yvan Mudry

Rien de mieux que de travailler, de travailler bien, de travailler beaucoup. Aujourd’hui, chacun ou presque est de cet avis, même les croyants. Ceux-ci auraient pourtant bien des raisons de modérer leur enthousiasme, affirme l’auteur. Car ils savent, par leur foi, qu’ils ne sont pas seuls à la manœuvre, et que la grande affaire n’est pas de produire, mais d’aimer. Ils savent aussi que l’homme ne vit pas seulement de pain et que l’essentiel est donné. Ils devraient donc se souvenir des conseils des maîtres de la tradition spirituelle, qui recommandent de ne pas « s’engager soi-même tout entier » dans ses tâches (Jean Tauler) ni de « s’empresser à la besogne » (François de Sales).

 

Aux sources cachées de Personne et acte : Jacques Maritain et sa place cruciale dans l’inspiration thomiste du personnalisme de Karol Wojtyla

Markus Werz

Comment caractériser la démarche philosophique de Karol Wojtyla dans Personne et acte ? Telle est la question à laquelle l’auteur se propose de répondre en inscrivant cet ouvrage majeur dans le contexte thomiste de son époque. Il part de l’importance du sens commun soulignée par Réginald Garrigou-Lagrange et que Jacques Maritain considère comme la colonne vertébrale de la philosophie chrétienne. C’est le personnalisme de Jacques Maritain qui constitue à son sens le cadre métaphysique dans lequel Karol Wojtyla déploie son analyse de l’acte humain. Grâce à cette remise de Personne et acte dans le cadre thomiste, les difficultés de compréhension de l’ouvrage où se mêlent vocabulaires phénoménologique et métaphysique se trouvent atténuées.

 

Raïssa Maritain et Abraham : aux origines de la morale

Michel Fourcade

L’historicité et la progressivité de la conscience morale : c’est le fond de l’intuition que Raïssa Maritain développe dans son “Histoire d’Abraham”, au plus près des premiers chapitres de la Genèse, mais relus sous une lumière anthropologique qui bouscule et renouvelle les grilles de lecture exégétiques et théologiques de son temps. L’ouvrage retient l’attention de Gurvitch ou de Lévi-Strauss, et Jacques placera ensuite sa propre philosophie morale dans le même sillage. Témoignage d’un thomisme profondément existentiel, les trois éditions successives de l’essai (1935, 1942, 1947), qui répondait aussi au Crainte et Tremblement de Kierkegaard, accompagnent également sa propre traversée de l’angoisse et du désespoir.

 

Hai Kai

Sœur Immaculata Astre

L’auteur, qui est Mère abbesse du monastère de moniales bénédictines du Pesquié, en France, dans l’Ariège, présente ici neuf de ses hai kai. Le hai kai (ou haïku) est une forme poétique d’origine japonaise : petits poèmes très courts. Des poètes occidentaux se sont inspirés de cette forme poétique, comme, par exemple, Paul Claudel dans Cent phrases pour éventail.

 

Qu’est-ce que la laïcité française ?

Emmanuelle Mignon

Qu’est-ce que la « laïcité » ? Alors que le mot est galvaudé, l’auteur montre qu’il s’agit d’un concept et d’une pratique proprement françaises. La laïcité n’est pas exportable, car elle se trouve intimement liée à l’histoire de la France et des tensions entre l’Église catholique et l’État français. La « laïcité française », notamment avec la fameuse loi de 1905 sur la séparation entre l’Église et l’État, a pacifié ces relations : elle garantit, d’une part, la neutralité de l’État en matière religieuse et, d’autre part, la liberté de culte des Églises. Instructive et précise, cette étude est originale à plus d’un titre : (1) fondée sur des connaissances juridiques rigoureuses, elle montre que la laïcité est une norme, une culture et une passion, toute nuancée par des pratiques concrètes variées ; (2) éclairée par l’expérience de l’ancienne directrice de Cabinet du Président Nicolas Sarkozy, l’étude montre qua la laïcité comporte un enjeu majeur pour la vie en commun avec les diverses religions, et pour parer aux violences comme celle des attentats terroristes perpétrés par des européens. D’où l’invitation à faire évoluer le concept vers une « laïcité positive » ou « ouverte ».

 

Crise et culture : réflexions sur l’esprit de la matière

Fabrice Hadjadj

Quand on parle de « crise », il se pourrait que nous n’ayons pas perdu le sens de l’esprit, mais plutôt celui de la matière. Lorsque quelqu’un a perdu l’esprit, il reste le corps et l’espoir de retrouver l’esprit ; mais lorsque quelqu’un a perdu son corps, que reste-t-il, puisqu’on a perdu tout poids et épaisseur ?

Le moderne « monde de la culture », par tableau électronique ou moteurs de recherche, ressemble plus à un divertissement qu’à la culture où le labeur consiste à émonder, élaguer et retourner la terre de notre esprit. La culture imite le laboureur, visant faire fructifier la terre. N’a-t-il pas été dit « Fructificiez et multipliez », plutôt que « fabriquez, connectez et téléchargez » ? La thèse de l’Auteur consiste donc à retrouver le sens de la matière, celui du cep et des sarments : on domine la terre par un premier respect de la terre.



Notes et Lectures 
 

Giovanni Battista Montini-Paul VI : Écrits de philosophie et de spiritualité

Samuele Pinna

Le volume, édité par Piero Viotto, un profond connaisseur de la pensée et de l’œuvre de Jacques Maritain, présente vingt-deux interventions de Montini-Paul VI, chacune introduite par un bref et savoureux commentaire. L’ouvrage relève notamment l’influence que saint Augustin et saint Thomas ont exercé sur la pensée de Montini, une pensée toujours “actuelle” car capable de dépasser la simple datation historique. Ces textes, méticuleusement choisis par Piero Viotto, témoignent de la grande ouverture d’esprit de Montini ainsi que de la profondeur de sa réflexion, capable de maîtriser, sans les subir, les changements culturels de son temps. « Montini-Paul VI – écrit Piero Viotto – peut puiser dans toutes les sources d’information justement parce que, à l’instar de Gilson, Maritain et Journet, il distingue, sans jamais ne les séparer, le raisonnement philosophique, la réflexion théologique et l’expérience mystique. »

 

Bibliographie

Adin Steinsaltz (éd.), Le Talmud, L'Édition Steinsaltz, Chabat 1.

 

 

 

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